Rencontre avec un Tlylg

De Oniropædia

Récits de voyages: Rencontre avec un Tlylg

Nous étions à la maison des voyageurs de RougeRive. Autour de la cheminée les convives s'étaient installés après le repas pour parler de leurs rêves et de leurs voyages. Une pipe en cerisier circulait parmi les convives. Chacun prenait la parole quand elle lui arrivait; et chacun était impatient qu'elle arrive entre les mains du dernier voyageur arrivé ce soir là. Son étrangeté laissait, en effet, présager d'incroyables récits. Il ressemblait à une espèce de saure, mais beaucoup plus grand et plus fin. Il portait une tunique bleue presque turquoise avec une multitude d'arabesques vertes et rouges. Il était peu bavard et ne posa pas de questions aux autres conteurs mais semblait intéressé par leurs récits et rit de bon coeur quand Istar nous raconta de quelle manière il avait défait une hydre, dont le nombre de têtes augmentait au fur et à mesure du récit, muni d'une simple lime à ongle et de sa légendaire astuce...

Enfin Varicel, le médecin du village, ayant fini de réciter les poèmes qu'il avait appris sur le lac de Mort-Subite, tendit la pipe à l'étranger:

- "Bonsoir à vous tous rêveurs. Commença-t-il, Je me doute que vous avez une foule de questions à me poser, mais laissez moi vous raconter mon histoire, elle répondra à la majorité des questions que vous vous posez à mon sujet. Tout d'abord, je suis un Tlylg', originaire de la Jungle de Kerros. Je vous fait grâce de mon nom que vos gorges ne sont pas faites pour prononcer; parmi les hommes je me fait appeler Gaucher. Vous comprendrez aisément pourquoi..."

Il sortit alors son bras droit de sous sa tunique et, interloqués, nous vîmes qu'il n'avait plus de main droite !!

"Ce qui est moins facile à comprendre c'est comment cela m'est arrivé. Dans la Jungle de Kerros vivent toutes sortes de créatures, des ptéraniens au vol majestueux, des flills lumineux, des serpents d'une variété sans limites et des oiseaux-parleurs aux couleurs chatoyantes. Toutes ces créatures, comme nous autres Tlylg' sont issues du rêve des dragons. Hélas, il existe aussi des créatures maléfiques issues de leurs cauchemars. Vous avez déjà entendu parler des chiens de la mort, des quauquemaires et des sirènes mais je doute que vous ayez entendu parler d'une créature bien plus malfaisante et mille fois maudite par ma race, je veux parler de l'Hositar. Sa forme 'naturelle' est celle d'un humanoïde écailleux, un peu comme les Tlylg' mais d'un vert plus sombre, presque noir et quasiment deux fois plus petit. Sous cette forme, malgré leurs griffes et leurs dents bleues aiguisées comme des couteaux, ils sont somme toute peu dangereux. C'est si l'un d'entre eux vous mord ou vous griffe que le pire est à craindre, en effet, si un Hositar boit ne serait ce qu'une goutte de votre sang, il acquiert le pouvoir de prendre votre forme !! Et pas seulement à la façon des sirènes, il prend intégralement votre forme physique et les connaissances que vous possédez à ce moment là...

Mon père est mort alors que je n'avais que huit ans, je me souviens très peu de lui. A sa mort, ma mère était enceinte. Mon petit frère n'était pas beau mais maman l'adorait, bien sûr. Elle l'appela Jkulrth'yirop', comme mon père. Un peu avant qu'il aie un an, un matin où je jouais avec lui, il se mis à trembler de partout et à baver. J'étais complètement affolé persuadé qu'il avait attrapé quelque maladie et je voulus le prendre dans mes bras. Ses yeux tournaient en tous sens, puis devinrent tout rouges!! Il grandit d'un seul coup et je tombais sous le coup de son poids et de la surprise. Il était maintenant devenu tout sombre et m'arracha la main d'un coup de mâchoire. Alerté par mes hurlements, un chasseur de la tribu accouru à mon secours et lui lança sa machette dans le crâne. La créature fut tuée sur le coup, heureusement pour moi. On ne sut jamais comment au juste l'Hositar avait pris la place de mon frère ni même depuis combien de temps. Maman ne se remit pas de la perte de son enfant préféré et se jeta du haut de notre plate-forme. Je n'avais plus personne et je n'étais pas encore adulte, la tradition voulait que l'on me confie à une famille sans enfants. Je ne voulais pas d'autre famille aussi demandais-je au patriarche l'autorisation de tenter le passage à l'âge adulte aussitôt. Devant mon désespoir et ma détermination, il accepta, à la condition que j'attende d'être soigné avant de passer l'épreuve. Je vécus chez lui en attendant et il me raconta ses voyages et m'expliqua qu'à son grand regret, je ne pourrais pas rester dans la tribu. La crainte quasi-superstitieuse des Hositars ferait toujours planer sur moi une ombre malsaine aux yeux des chasseurs.

L'épreuve consiste à attraper un ptéranien au lasso et à le dompter. Je n'avais sur moi qu'un pagne, mon lasso et un fouet comme le veut la tradition. Je crois être le plus jeune à avoir réussi l'épreuve de mémoire de Tlylg' pourtant je n'en conçus aucune joie puisque cette réussite qui est théoriquement synonyme d'acceptation par la tribu était, pour moi, le signal du départ vers l'inconnu..."

Gaucher s'arrêta de parler. Contrairement à ce qui se passait avec les autres conteurs, personne n'osa poser de questions sur son histoire. Je regrette maintenant de ne pas avoir eu ce courage car tant de choses m'intriguent dans son récit. Je n'ai aucune carte qui mentionne l'emplacement de cette jungle, ce qui est tout de même incroyable! C'est à moi qu'il tendit la pipe et je m'efforçais de faire cesser le silence gêné des participants en contant mes mésaventures dans la chasse à la zyglute avec Yohann le Glauque... Je n'ai plus jamais vu de Tlylg' depuis, ni entendu parler de la Jungle de Kerros mais je garde bon espoir d'y arriver...


"Récits de voyages: rencontre avec un Tlylg " par Logr, Eminent Membre de la Radieuse Confrérie des Enlumineurs de la Grande Carte.


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