Chroniques inachevées/Quatrième récit

De Oniropædia
< Chroniques inachevées
Révision datée du 21 mai 2007 à 12:46 par Ygonaar (discussion | contributions) (Test heure de la base)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Ah, vous tombez bien ! A croire que ce sont les Dragons eux-mêmes qui vous envois. Figurez-vous que j’aurai besoin d’une bonne mèche de cheveu. Bien évidement, si vous me rendez ce service, je garantirai cette fois-ci votre immunité... Comment, vous désirez savoir pourquoi ? Et bien figurez que c’est la dernière lubie d’un Kanaillou, il veut une mèche de cheveu qui m’aurait été librement donnée par un tiers, et donc n’accepte pas les poils de zombi, bien sur… Ah ! Vous ne savez pas ce qu’est un Kanaillou ? Je pense dans ce cas qu’il serait préférable de rejoindre les fauteuils.

Les Kanaillous sont de petites créatures humanoïdes vivant dans d’autre niveau onirique. N’imaginez surtout pas quelque espèce de farfadets particuliers, leur apparence est très variable, tant mâles que femelle. J’en ai vu ressembler aux hommes, aux singes, à des chafouins monstrueux et même à des poupées d’élément bois. Je ne crois pas que les concepts de reproduction ou de vieillesse, voir même de vie quotidienne comme vous et moi l’entendons, aient une grande signification pour eux. Voyez-vous, ils sont certainement les plus imprévisibles, les plus oniriques des créatures invocables. Je ne vous ai pas encore parlé des créatures invocables ? Nul ne sait exactement si elles vivent dans des rêves spécifiques ou si elles ne sont qu’une émanation temporaire du subconscient des Dragons. Les Hypnosiens les recrutent dans les Terres Médianes du Rêve et les embauchent pour un contrat temporaire et compatible avec leurs capacités très spécifiques. Elles apparaissent alors subitement dans les Basses Terres, remplissent leur contrat, et disparaissent pareillement. Même si elles se font occir, elles et leur équipement se dématérialisent. Les créatures invocables, même les humanoïdes doués de parole, semblent avoir un libre arbitre et une intelligence fort limités, comme si elles n’étaient dévolues qu’a une seule tâche.

Les Kanaillous sont la principale exception. D’abords car ils semblent tout savoir faire. Oh, bien sur, personne n’affirme les avoir vus faire réellement du Haut-Rêve, et ils disparaissent à la moindre tentative d’agression physique, mais les bibliothèques regorgent de récits démontrant leurs grandes compétences dans les domaines les plus variés. Autre fait étrange, ils semblent toujours avoir en poche le matériel dont ils ont besoins, la bonne clé, le bon livre de recette, le bon antidote, … Mais ce qui est certainement le plus insolite, c’est qu’ils veulent tous se faire payer. Comprenez bien que la raison d’être des autres créatures invocables est de remplir la tâche pour laquelle vous avez suggérez aux Dragons de les créer, généralement d’obéir à vos ordres dans un domaine précis. Cela ne vous coûte que l’énergie physique et onirique que vous avez investie dans votre rituel. Le Kanaillou exige un salaire en plus, argent ou objet qu’il emportera avec lui, ou bien une simple tâche qu’il exigera de vous. Son tarif est imprévisible, et certes pas proportionnel à la valeur relative que vous attribuez au service demandé. Il peut paraître minime ou disproportionné, mais inutile de chercher à marchander. Il semble également difficile à rouler car tout service est payable d’avance, et les quelques tentatives que j’aie lues de Hauts Rêvants ayant essayés de les rouler (notamment via des illusions pour tenter de leur faire croire qu’ils payaient bien le tarif) se sont toutes soldées… par la disparition du Kanaillou.

J’ai moi-même usée régulièrement de ces utiles créatures pour des objectifs les plus divers. Une des toutes premières fois fut pour me venger de Frankus, qui fut à l’occasion un des mes compagnons de Voyage. Si je vous ai déjà mentionné Guiol, Alakner et la belle catin qu’est la princesse de Sélikanthe, Frankus est certainement le personnage le plus savoureux. Il s’agissait d’un trentenaire insipide s’entêtant à recouvrir ses habits de voyageur d’une robe noire, prétendument de médecin. Car le bougre, qui n’a je crois soigné correctement personne, prétend avoir étudié dans les plus grandes universités, ce qui est bien possible d’ailleurs. Mais son incompétence est souvent difficilement discernable au milieu de sa folie douce. Je vous ai déjà expliqué que les Hauts Rêvants étaient souvent pris de lubies incompréhensibles et parfois dangereuses (voir carrément sinistre pour les Thanatosiens) que l’on nomme Queues ou Souffles de Dragon, et bien Markus est le seul bas rêvant semblant être sous l’effet d’une Queue de Dragon perpétuelle, si bien que d’aucun restent persuadés qu’il est bel et bien magicien. Peut-être à cause de sa précédente incarnation, car j’ai rencontré son zombi dont les affaires prouvaient avec peu de doutes qu’il fut bel et bien Haut Rêvant, s’est-elle reçut un Souffle particulièrement puissant ? Pour vous donner un exemple, ce fils de rien se prétend duc de la Molle et maire de Rouleboule, une cité qui serait en perpétuel déplacement, juchée sur une immense boule de roche tournante ! Mais dès le premier jour de notre rencontre, bien avant que je puisse découvrir les si divertissantes facettes de sa personnalité, Frankus me fit une entourloupe aussi gratuite que difficilement pardonnable. Nous avions quitté au matin le village de Valjoyeux, cul de sac au pied de montagnes réputées infranchissables, pour nous rendre à la seule destination possible qu’est le village de Snarlop. Or je vous rappelle que je suis un cuisinier de talent et un botaniste averti, et je ne pouvais certes pas longer les collines des Milles Menthes sans aller y quérir quelques simples. Le groupe se scinda donc, Frankus et un certain Alakner ne désirant point s’attarder en chemin. Nous arrivâmes fort tard à ce village où une garnison de paysan se prenant pour des soldats nous attendait de pied ferme. Si la plupart des imbéciles, aussi bien gueux que riche seigneur, détestent de fait les Hauts Rêvants (souvent sans n’en avoir jamais vu) et ne rechignent pas sur une belle estrapade, ceux-là étaient des cas, détestant en sus tout ce qui venait du village de Valjoyeux et menés par un chef paranoïaque. Or notre cher Frankus n’avait trouvé rien de mieux à faire que de dénoncer notre groupe comme des espions Hauts Rêvants à la solde des Valjoyiens ! La situation fut délicate mais nous réussîmes à nous en tirer sans heurt, notamment grâce à l’invention géniale de la soi-disant allergie des sorciers à la menthe, dont nous étions abondamment chargés. Vous vous doutez bien que l’envie d’occire du médecin me chatouillait fort, mais je ne pouvais pas me permettre de fragiliser ma couverture auprès de mes tout nouveau compagnons, qui se connaissaient déjà et semblaient enclin à pardonner la folie de Frankus. Et j’eus d’ailleurs une idée bien plus divertissante. Ayant envoûté l’objet de ma haine, je lui envoyai les plus terribles cauchemars chaque nuit. Sachez que j’ai une imagination débordante, un sens du détail et de la mise en scène soignée, et que ma pauvre victime se mit vite à dépérir et à redouter la venue de nuits aussi inéluctablement affreuses que fort peu reposantes. Sauf lorsqu’il buvait copieusement, car j’avais le projet de le rendre alcoolique, ce qui est toujours amusant pour un chirurgien, non ? Malheureusement, le groupe incluait une vierge aussi frigide que violente du nom de Sylgania, qui par quelque mystère arrivait à s’y entendre en Haut Rêve malgré sa stupidité crasse. Stupidité qui se démontre aisément par le fait qu’elle clamait partout haut et fort le fait qu’elle est magicienne. Elle eut toutefois assez de jugeote pour deviner la marque de thanatos mais y voyait l’action malfaisante de Oarh-Man-Hueh (mon futur mentor, mais je ne le connaissais pas encore) qu’elle craignait par-dessus tout. Toujours est-il qu’elle entreprit de veiller Frankus et de le protéger de mes cauchemars par quelque rituel inconnu de moi. Frustré dans ma vengeance, je me dis que si Frankus était protégé de la sorcellerie, une honnête potion alchimique devrait toujours faire son effet, et que Sylgania découragée par son échec et son incompréhension du phénomène baisserait les armes. Je me mis donc à préparer un puissant psychotrope réputé pour les horribles sensations et pensées qu’il engendrait. Mais je me heurtais sur le problème de l’administration car Sylgania veillait dans la chambre. C’est pour cette tâche que j’invoquai un Kanaillou qui me demanda le terrible prix de… d’une culotte de femme portée du jour ! Cela peut vous paraître insignifiant mais sachez que j’étais bien en peine de me la procurer sans agresser purement quelqu’un, et la situation ne s’y prêtait guère. Mon physique n’incitant pas à la bagatelle, ce fut une fort longue, pénible et délicate séduction de la vielle cuisinière de l’auberge qui me permit de résoudre mon problème. Car si elle ne me trouvait pas à son goût, d’habiles flatteries réussirent à la convaincre que mon cœur soupirait platoniquement pour elle, ce qui fait toujours rêver les vielles midinettes en fin de vie. Et mon dur labeur ne fût même pas récompensé car si le Kanaillou accepta son salaire, Sylgania s’éveilla par un incroyable hasard juste au moment où la potion était administrée, se jeta sur le Kanaillou qui se dématérialisa comme à son habitude. En ne laissant à sa place qu’un simple haricot, ce qui est inhabituel mais chaque Kanaillou a sa petite lubie. Malgré cette déconvenue, je ne regrette pas le délicieux climat de terreur qui s’est installé alors parmi mes compagnons qui n’y comprenaient rien. Ambiance qui les a persuadés que cet îlot isolé de Kerlidan (oui, cette terre devenue mienne en laquelle nous sommes en train de deviser) où nos pas nous menèrent devait forcement être le repère du terrible Oarh-Man-Hueh ! Et le plus drôle, ce fut l’horreur qui s’est peinte sur leur visage lorsque je leur ai innocemment fait remarquer qu’il y avait des plans de haricot dans le potager du vieil homme mourant que nous avions rencontrez. Et dire que pendant la nuit de tempête qui suivit, ils ont faillit occire le pauvre Tibert de Kerlidan qui devint plus tard roi d’Oniranie… Mais cela est une autre histoire.

Oui, les Kanaillous peuvent rendre de grands services mais leurs prix sont souvent incompréhensibles. En Oniranie, justement, je dus les utiliser lorsque l’ancienne reine fut kidnappée et l’ensemble du château fouillé. Bien que je n’avais rien avoir avec ce forfait, imaginez la tête des gardes s’ils avaient découvert ma collection de crânes humains et mes reliques thanataires cachées au milieu de mes marmites ! Le Kanaillou qui se chargea de les déplacer discrètement en une caché sure que je lui avais désigné m’a demandé d’embrasser la princesse de Sélikanthe sur la bouche. Devant l’urgence de la situation, je le fis en la prenant par surprise au beau milieu du conseil royal ! Elle en fut grandement mortifiée, cette pimbêche prétentieuse qui s’estime trop bien pour moi. Mais elle en fut également secrètement heureuse car elle y a vu la preuve que je devais être un Haut Rêvant qui avait du subir une de ces Queues de Dragon. Saisissant l’aubaine, j’ai joué la plus parfaite confusion et lui ai même avoué que j’arrivai à changer le goût des aliments (ce qui est vrai, j’arriverai à vous faire manger de la floume bien floumée si je le voulais) mais que j’avais honte de mon don, qui était certainement le signe d’une grande malédiction. Et dire qu’elle croyait avoir percé mon secret !

Je ne vais pas faire l’inventaire de toutes mes aventures avec les Kanaillous, mais il en est une qui est plus étrange et riche d’enseignement que les autres. Nous étions dans le village de Sagremont, situé entre les monts Solitaires et la brumeuse vallée de la Beste lorsque nous rencontrâmes une sorte de Kanaillou invoqué par mégarde par une certaine Iphigénie, une jolie oie aussi mauvaise servante de taverne qu’elle fut voyageuse ou qu’elle était Haute Rêvante. Or le Kanaillou en question refusait de partir et provoquait moult catastrophes, dont le vol de nos affaires, si on ne lui préparait pas de la Bouillabête. La servante du vite nous avouer son secret et nous primes contact avec le monstre. Il ressemblait à un petit singe blanc neige, mais dont les yeux rouges et le rictus de ses babines qui découvrait des petits crocs pointus avait un je ne sais quoi de merveilleusement malveillant. Je n’en fus guère étonné. Je savais qu’un rituel d’invocation mal réalisé pouvait libérer la malveillance des dragons qui se matérialise par ces lutins d’apparences diverses mais qu’à l’Université de Socholomance, nous appelons communément Gremlins. Voyant en nous un plus grand potentiel qu’avec la soubrette, il commença à nous harceler avec, je l’avoue, un certain talent pour avoir son plat. J’appris notamment à l’occasion qu’il était capable de faire de la magie naturelle et d’attirer le mauvais œil sur tout un groupe par un simple regard, ridiculisant du même coup les harpies et autres créatures thanataires. J’appris aussi qu’il se nommait Racaillou, mais j’ignore s’il s’agit de son nom propre ou de celui de toute une sous-espèce de créature invocable. Car la créature était assurément invocable, car c’est ainsi qu’elle fut libérée par Iphigénie de la cage enchantée où elle était prisonnière depuis le Second Age. Car ce Kanaillou particulier fut un sujet d’expérimentation d’un puissant thanatosien du nom de Zebraïus, qui prouva de ce fait que ces entités étaient sensible aux potions alchimiques et pouvaient être métamorphosées en créature de cauchemar par des procédés longs et hermétiques. La bouillabête n’était d’ailleurs qu’une potion alchimique enchantée qui permet de transformer Racaillou en… Béhémot, une créature simiesque de plus de cinq mètres de haut, à la force colossale, possédant une longue gueule pouvant gober un homme d’un seul coup et des griffes longues comme des doubles dragonnes aux pattes antérieures ! Racaillou réussit à goûter à son délire de puissance et cela faillit causer notre perte à tous. Heureusement que Zébraïus avait prévu une autre potion qui l’endormait et lui rendait sa forme naturelle, et que son stock n’était pas vide. Ne soyez pas septique, je vous ai déjà dit que ces solutions alchimiques devaient être enchantées, et Zebraïus avait eu la prudence de rendre leur rêve permanent, il n’y a donc aucun mystère à ce qu’elles aient pues traverser les siècles sans dommage. Racaillou retrouva donc sa cage magique dans le laboratoire souterrain de feu Zébraïus, au plus profond des brumes de la vallée de la Beste. En revanche, ne cherchez pas Sagremont, qui a été dévasté par le Béhémot. Les survivants ont tous traversé la vallée maudite jusqu’au village de Soliste. Évidement, vous imaginez bien que ce fut un crève-cœur pour moi d’abandonner un chef d’œuvre comme Racaillou dans un puit obscur, mais il est vraiment trop dangereux et incontrôlable… En tout cas, tant que je n’aurai pas réussit à reproduire la potion de contrôle.

Hum, je me suis encore une fois laissé aller à la digression. Les méfaits de l’age me guetteraient-ils ou vous m’auriez envoûté ? Envoûté ! Hé hé hé… Non, vous ne pouvez pas encore comprendre ! Bon alors, acceptez-vous de m’offrir une mèche de vos cheveux ? Merci, vous êtes bien aimable, je vais pouvoir poursuivre mes travaux. Igor, veillez raccompagner notre hôte à sa barque et qu’il ne lui soit fait aucun mal. Ni quand vous reviendrez d’ailleurs, car nul doute que vous reviendrez me voir ! Au revoir donc…