« Chroniques inachevées/Troisième récit » : différence entre les versions

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''Décidément, votre témérité ne connaît pas de bornes. Le dicton annonçait bien que vous alliez fatalement revenir une troisième fois, mais comment aller vous donc me convaincre de vous laisser partir ? C’est que je manque de main d’œuvre et qu’une fois proprement occis, je vous verrais bien… Mais qu’avez-vous sur le front ? Oui, ce bijou sous votre mèche… C’est bien une pierre précieuse ? Hum… C’est que c’est contrariant. J’essaye de tenir une tour honnête moi, et je n’accepte pas que mes zombies portent de telles frivolités ! Mais vous ne pouvez pas comprendre, bien sur.''
''Décidément, votre témérité ne connaît pas de bornes. Le dicton annonçait bien que vous alliez fatalement revenir une troisième fois, mais comment aller vous donc me convaincre de vous laisser partir ? C’est que je manque de main d’œuvre et qu’une fois proprement occis, je vous verrais bien… Mais qu’avez-vous sur le front ? Oui, ce bijou sous votre mèche… C’est bien une pierre précieuse ? Hum… C’est que c’est contrariant. J’essaye de tenir une tour honnête moi, et je n’accepte pas que mes zombies portent de telles frivolités ! Mais vous ne pouvez pas comprendre, bien sur.''



Dernière version du 18 mai 2007 à 20:08

Décidément, votre témérité ne connaît pas de bornes. Le dicton annonçait bien que vous alliez fatalement revenir une troisième fois, mais comment aller vous donc me convaincre de vous laisser partir ? C’est que je manque de main d’œuvre et qu’une fois proprement occis, je vous verrais bien… Mais qu’avez-vous sur le front ? Oui, ce bijou sous votre mèche… C’est bien une pierre précieuse ? Hum… C’est que c’est contrariant. J’essaye de tenir une tour honnête moi, et je n’accepte pas que mes zombies portent de telles frivolités ! Mais vous ne pouvez pas comprendre, bien sur.

Comment ? Ça vous intéresse ? Je n’aurai pas cru… En fait c’est une anecdote cocasse. Enfin, une histoire drôle pour Thanatosien, cela s’entend, je doute que vous en goûtiez le sel. Quelle insistance ! Pourquoi pas, après tout, je ne vais pas bouder le plaisir d’un de mes plus plaisant souvenir.

J’étais à ce moment là en compagnie de Voyageux plus ou moins stupides et méprisables et, chose fort peu commune, avec mon mentor. Non ! Pas la vielle sorcière qui m’apprit la lecture et le secret des simples. Elle n’a m’a fait faire que mes premiers pas dans la Voie Quarte, et je vous ai déjà dit qu’elle avait été brûlée vive. Non, je vous parle d’un être qui m’a permis d’accéder moi-même au statut de Maistre, dont les cours de vivisection ne rougiraient pas des plus grands médecins de Tucléide, dont le machiavélisme le mettait bien au-dessus des rois et des puissants. Oarh-Man-Hueh ! Ce nom en a fait trembler beaucoup à travers les rêves et les ages. La simple évocation de son nom suffisait à rendre muette la salle d’auberge la plus bondée. Et bien qu’ils en sachassent fort peu sur sa légende, sa présence physique incommodait fort mes compagnons.

Surtout Guiol, qui tremblait de peur et de haine. Ah ce cher vieil imbécile de Guiol ! Il me rendait presque la fatuité sympathique. Imaginez un hobereau de stature modeste, à la face quelconque et souvent mal tenue, juché sur un hongre osseux et peinant sous une demi-douzaine d’armes plus encombrantes les unes que les autres, dont une grouine ! C’est que Monseigneur compense la qualité par la quantité, et est persuadé d’avoir ainsi stature de puissant guerrier. Monseigneur ? Je ne vous ai pas dis que ce traîne-misère avait réussit à se faire anoblir par quelque baronet ayant perdu raison ? Guiol de Croquebille a du sang Draconique dans les veines, enfin depuis quelques mois. Et il ne savait même pas que la croquebille est une maigre cerise à l’acidité décourageante.

Bref, Guiol haïssait depuis fort longtemps Oarh-Man-Hueh, vieillard à la noire pèlerine qui, armé de son seul bâton, écrasait tous ces fiers aventuriers de son charisme et du pouvoir de la peur. Il avait croisé notre route quelques jours plus tôt et, se rendant à la même destination, c’était tout simplement joint à notre compagnie. Et tous ceux qui avaient si souvent jurés sa destruction n’osait rien dire. Une pure anthologie de la lâcheté humaine. Ne croyez pas que c’était l’évocation du Haut-Rêve qui les paralysaient comme le bouseux moyen, puisque nous courrions les sentes depuis bon nombre de lune avec Alakner, un alchimiste et magicien certes malhabile mais déclaré, et Jersandre de Sélikanthe qui, si elle avait habituellement le bon sens de dissimuler sa nature de sorcière sous ses appas de princesse, avait néanmoins dû révéler ses talents à la communauté.

Nous étions donc à la recherche du Royaume des Sauveurs-du-Monde, au beau milieu du désert des Maraudeurs et, chose rare s’il en est, nous avions reçu l’hospitalité dans un campement Cyan. Pour une fois ce n’était pas uniquement pour des motifs commerciaux mais bien pour ce qui pouvait se rapprocher à de la bonté d’âme. Nous apprîmes en effet que « Maraudeur » était un terme générique désignant toutes les créatures ne pouvant nier leur parenté avec le Cauchemar, et ennemi de toujours de ces Cyans. Hors il est assez fréquent que les imprudents qui tombent sous les coups d’Entité de Cauchemar deviennent à leur tout une Entité. Ces créatures étant fort nombreuses dans cette contrée, les Hommes Bleus préféraient encore nous accorder la sécurité de leur campement.

Et comme nous transportions moult denrées inconnues en ces sables, nous fîmes évidement du commerce. C’est ainsi que nous pûmes apercevoir la cassette pleine de larmes de dragon du chef. Des larmes à l’eau limpide et de tailles fortes honorables. Comprenez-moi, je ne suis pas véritablement vénal. Certes vous me voyez maintenant entouré d’objets forts rares et luxueux, croyez bien que je pourrai les abandonner sans trop de peine. Mais je ne suis pas assez stupide pour ignorer le pouvoir de l’argent, et les pierres précieuses en est sûrement le vecteur le plus aisément transportable et camouflable. Mais les grosses et pures gemmes sont l’élément indispensable à tout artefact de Narcos digne de ce nom.

Nos hôtes nous attribuâmes quelques tentes. Je me suis arrangé pour être « malheureusement désigné» pour la dangereuse corvée de « surveillance de Oarh-Man-Hueh », et dans le secret de notre tente, nous discutâmes fort tard de nos projets respectifs pour le Royaume des Sauveurs-du-Monde. Nous n’imaginions pas à ce moment que le destin allait nous favoriser… Nul ne survit longtemps dans l’étude de la Sombre Voie sans une bonne dose de paranoïa. C’est pour cela que nous ne nous sommes point endormis sans avoir tendu autour de la tente quelques minces filins judicieusement placés. C’est pour cela que nous nous sommes éveillés lorsque l’assassin s’est glissé dans les ténèbres. Alors qu’une lutte silencieuse s’engageait avec Oarh-Man-Hueh, oublié à l’autre bout de la tente, je me plongeais dans les Terres Médianes à la recherche d’un sortilège amoureusement préparé. Revenue à la conscience, je fis bien attention d’identifier la silhouette de l’agresseur et pointa mon doigt. Je mets toujours un maximum de puissance onirique lorsque je prépare à l’avance un Point Thanataire. La puissance du Cauchemar lui traversa la tête et l’assomma net. Je ne puis garantir qu’il en serait forcement mort mais un mince stylet sous sa tunique nous évita toutes possibilités alternatives. Nous allumâmes une mèche d’amadou. Un guerrier Cyan, pas encore dans la force de l’age.

Si l’hospitalité des Cyans est fort rare, il l’est encore bien plus qu’ils ne la brisent. Tout méprisant qu’ils puissent être avec les Hommes Blêmes, ils n’en obéissent pas moins à un incompréhensible mais impérieux sens de l’honneur. L’assassin s’était déjà fait remarquer dans la soirée en traitant mon mentor de Maraudeur. Il avait bien une gemme incrustée dans le front, mais celle-ci ne dégageait nul flamboiement, indiquant que sa quête de Mémoire Bleue était achevée depuis longtemps. Il devait percevoir Thanatos en mon ancien maistre et le prendre pour une Créature de Cauchemar. Puisque les lois de son clan nous assuraient l’immunité, il avait pris le parti d’enfreindre son code de l’honneur pour l’occire secrètement. Et nous avions maintenant une chance de transformer cet encombrant cadavre en opportunité de premier ordre.

Je pris en compte l’influence des conjonctions astrales sur les courants thanataires et me replongea en demi-rêve pour élaborer mon rituel. Dans une nécropole onirique, je puisais dans la force de mon Rêve afin d’éveiller une conscience méphitique que je liai au cadavre. Le zombi ouvrit les yeux en même temps que moi. Oh, j’avais bien pris garde à ne pas m’épuiser ! C’était un zombi fort médiocre, à peine mieux qu’un pantomime et aucune finesse dans son esprit, rien à voir avec ce que je vous réserve lorsque… Mais nous verrons bien cela en temps utile. Mais tout minable qu’était ma créature, elle suffisait amplement à nos besoins. Nous lui demandions seulement d’aller faire une diversion à l’autre bout du campement et de se faire occire par quelqu’un d’autre. C’est pourquoi après avoir enflammé les réserves de fourrage et quelques tentes, mon nouvel acolyte entreprit d’aller étrangler ce cher Guiol en sa couche.

Qui ne s’est jamais réveillé avec des doigts glacés de haine froide se crispant sur sa gorge ne peut pas comprendre l’état d’esprit de Messire de Croquebille. Toutefois, un vague reste d’instinct animal lui permit de se dégager de l’étreinte mortuaire…Hé hé hé ! Mortuaire ! Ah bon, vous ne trouvez pas l’expression plaisante ? Bon, reprenons. Après une lutte assez pitoyable, ils finirent par se retrouver l’un et l’autre la lame au clair. Je dois admettre que mon ancien compagnon réussissait parfois quelques belles passes d’arme et il finit par se fendre d’une botte magistrale qui aurait du proprement décapiter son adversaire. Mais le fil de son épée bastarde glissa inoffensivement sur la gorge du zombi. Il en fut tellement décontenancé qu’il se fit gratifier d’une fort belle coupure sur la joue. La cicatrice lui fait encore mal, parait-il, mais même moi, je ne savais pas que l’assassin avait empoisonné son épée Cyane. Le combat continuait, ignoré au milieu de la panique générale causée par l’incendie, et dont je vérifiai soigneusement l’évolution tout en observant de loin l’escarmouche. Guiol voyait ses coups glisser sans dommage sur son peu émotif adversaire et alors que son bras faiblissait, l’horrible idée d’une invulnérabilité se frayait lentement dans son esprit.

Il avait tort, bien sur. Le commun sait rarement que les Zombies s’incrustent comme les Cauchemars qu’ils sont dans le rêve des Dragons, se déphasant des évennements normaux, empêchant leurs rêveurs de se débarrasser d’eux par la cohérence du songe, les blessures ou la vieillesse. C’est pour cela qu’il est fort difficile de se débarrasser de la plus ridicule des Entités de Cauchemar Pleinement Incarnées tant que l’on ne l’a pas contrainte à rester en phase avec soit. Or Guiol n’avait non seulement aucune notion de l’Accordance, mais ne disposait de surcroît que d’un rêve fort médiocre.

C’est alors qu’Alakner arriva à la rescousse. Ayant vu de fort loin l’étrangeté de la situation et de la démarche chaloupée du zombi, mais ne s’y connaissant pas plus que le bouseux, il eut une idée lumineuse. « Frappes dans la gemme ! » Cria-t-il. Plus facile à dire qu’à faire pour un Guiol faiblissant et dont les artères s’enflammaient sous l’effet du venin Kra. Alakner fini par arriver et à charger avec sa masse d’arme. Ce fut une charge magnifique, rien à redire sauf peut-être à déplorer qu’il mania pareillement son pilon alchimique. Je vous ais déjà dis qu’il était Haut-Rêvant, et bien qu’il fût fort ignorant sur les Entités de Cauchemar, il était habitué à l’Accordance pour réaliser ses sortilèges, et disposait d’une puissance onirique conséquente. La masse décrivit une trajectoire parfaite. Le crâne du zombi explosa sur le coup.

Une légende était née. Il fallait frapper dans sa gemme pour tuer un zombi.

Le calme finit par revenir. Antidote et bandage administrés à Guiol. L’incompréhension et la consternation régnaient en maistre. Il fut admis que tout cela devait être la faute de Oarh-Man-Hueh, qui avait disparut. Avec la cassette de gemme cela s’entend.

Je ne m’attarderai pas sur les nombreuses pérégrinations que nous eurent ensuite. Sachez seulement que je retrouvais secrètement mon mentor dans le castel des Sauveurs-du-Monde où nous avons, après avoir partagé le butin des cyans, tranquillement commencé à construire une armée de zombie. De beaux et vif zombies, cette fois-ci, fait à partir de solides soldats, bourrés de rêve et donc vifs et hargneux. Mon ancien mentor trouvait en effet que ce royaume, avec touts ces antiques trésors et artefacts, était parfais pour s’installer. Mes compagnons crûrent bon de s’allier aux capitaines des Sauveurs-du-Monde, qui pourtant tyrannisaient tout autant la contrée…

Quelle délicieuse image que la terreur de mes compagnons lorsqu’ils se rendirent compte les morts-vivants leur faisant face n’avaient pas de gemme !

Héhéhéhiark hiiiark hiiiaaark… Hum… Excusez-moi, cet épisode me fait toujours rire. Et vous ? Percevez-vous le cocasse de leur stupidité et de leur terreur crasse ? Oui ?! Je m’étais trompé sur votre compte. Je vous croyais inoffensif mais vous avez encore réussi à m’ôter l’envie de vous refroidir… Hé hé hé… Refroidir ! Bon, je suis trop rarement d’humeur folâtre pour la gâcher à cause de votre petite existence.

Mais sachez que la prochaine fois, je prendrai bien soin de ne pas tomber dans votre jeu de séduction.
Adieux donc... Si vous parvenez à dominer votre curiosité, bien sur…